L’abstinence pathétique. Abstinence: peut être prise dans une flambée imaginaire: la décision radicale, totale de s’absentir (du monde) enflamme le sujet (flambée paranoïaque): Rousseau (Promenade I): il décide de „s’absentir”, de pratiquer le Wou-wei, de faire le non-faire, pour „s’annuler” : „Mon coeur s'est purifié à la coupelle de l'adversité, et j'y trouve à peine en le sondant avec soin quelque reste de penchant répréhensible. Qu'aurais-je encore à confesser quand toutes les affections terrestres en sont arrachées ? Je n'ai pas plus à me louer qu'à me blâmer : je suis nul désormais parmi les hommes, et c'est tout ce que je puis être, n'ayant plus avec eux de relation réelle, de véritable société. Ne pouvant plus faire aucun bien qui ne tourne à mal, ne pouvant plus agir sans nuire à autrui ou à moi-même m'abstenir est devenu mon unique devoir, et je le remplis autant qu'il est en moi. Mais dans ce désoeuvrement du corps mon âme est encore active, elle produit encore des sentiments, des pensées, et sa vie interne et morale semble encore s'être accrue par la mort de tout intérêt terrestre et temporel. Mon corps n'est plus pour moi qu'un embarras, qu'un obstacle, et je m'en dégage d'avance autant que je puis.” Le s’absentir: réponse minimale au piège, au coinçage, au double bind. (…) Ce que veut Rousseau, c’est échapper aux images (de lui-même) qui le font tant souffrir (du moins le croit-il) c’est s’annuler comme source d’images: ce qu’il cherche, c’est le repos de l’imaginaire (qui peut être la métaphore même du Neutre).”
Roland Barthes: Wou-Wei. Le Neutre, p. 227. Paris, Seuil, 2002.
Roland Barthes: Wou-Wei. Le Neutre, p. 227. Paris, Seuil, 2002.
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