Rousseau, Rousseau Jean-Jacques bírája. Párbeszédek [Rousseau juge de Jean-Jacques. Dialogues], traduction, notes et postface par Paula Marsó, relecture par Gergely Angyalosi et Ilona Kovács, Budapest, Typotex, 2020
81En attendant la réédition de la traduction hongroise des Confessions, le public hongrois peut se réjouir de la parution de la traduction intégrale des Dialogues de Rousseau. Il s’agit de l’aboutissement d’un long projet dans la continuité de la thèse sur Rousseau de Paula Marsó, qui a persévéré pour rendre accessible l’ouvrage en hongrois.
82Le livre s’ouvre par le texte de Rousseau lui-même, car les notes et la réflexion de la traductrice sont placées à la fin, ce qui évoque une tradition éditoriale en partie disparue qui nous fait connaître le texte avant les commentaires. La postface, entre essai et étude savante, récapitule pour le lecteur l’histoire du triptyque composé des Confessions, des Dialogues et des Rêveries. Paula Marsó souligne que Rousseau fut hanté par l’idée d’un complot contre lui mais elle ne souhaite pas confirmer la nature pathologique de cette hantise. Sa position, après avoir travaillé sur ce texte pendant des années, est que l’état d’âme de Rousseau était plutôt celui de la réaction d’une sensibilité extrême qu’une « folie » clinique. De son avis, l’argument que les Dialogues témoignent d’une pensée pathologique a longtemps occulté l’importance littéraire et politique de l’ouvrage.
83Elle résume également l’histoire de l’animosité de Voltaire contre Rousseau, accrue par la célébrité inattendue de ce dernier. Elle ne tait aucunement l’opinion selon laquelle ce texte est la preuve de la « folie » de Rousseau semble s’éterniser malgré certaines objections, vite écartées. Son parti pris est pourtant de ne pas suivre l’interprétation dominante comme la seule lecture possible, même si elle admet le caractère sinistre et bouleversant du texte et l’effort de son auteur devant l’insoluble : Rousseau sait que la sincérité qui devrait l’absoudre le noircira à tout moment.
84Il n’y a pas lieu de comparer des passages de l’original et la traduction dans un bref compte rendu. Je tiens à noter que Paula Marsó ne se donne pas une tâche facile car Rousseau avait eu des traducteurs hongrois parmi les plus connus de leur génération (István Benedek et Marcell Benedek pour les Confessions, Ádám Réz pour les Rêveries). Je dois toutefois souligner que la traduction se lit parfaitement comme si c’était un texte composé en hongrois, mobilisant un lexique d’origine hongroise et évitant les emprunts latins inutiles pour les notions morales, psychologiques ou politiques. Cette « naturalisation » est sans doute le résultat d’un long travail et de nombreuses relectures. Ce travail est d’autant plus important qu’il s’agit d’un texte qui demande la participation du lecteur sur le plan psychologique. Je ne peux que saluer la décision de la traductrice de ne pas, sauf cas absolument nécessaires, couper les phrases longues et de ne pas « alléger » ainsi un texte ayant une portée profonde.
85Eszter Kovács
Dix-huitième siècle, 2023/1 (n° 55), p. 515-680. DOI : 10.3917/dhs.055.0515. URL : https://www.cairn.info/revue-dix-huitieme-siecle-2023-1-page-515.htm
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire